Salomon Grinschpoun est né en 1890 à Doubno en Russie, une ville de l’Ukraine d’aujourd’hui.
Ses parents, Mardochée et Pauline Grinschpoun ont émigré vers la France très peu de temps après sa naissance. Ils ont quitté leur pays natal dans l’affolement pour fuir les terribles massacres de juifs de l’Empire de Russie.
Ils arrivent tous les trois à Saint-Denis, terre d’accueil de nombreuses familles juives de l’Est, notamment dans les petites rues du centre ville ancien. Ils y retrouvent des amis et du réconfort, un peu comme dans le quartier du Marais à Paris. Ils y font la fête, au fond des cours, avec les Italiens. La musique les réunit. Ils chantent et dansent ensemble.
Mardochée et Pauline reprennent leurs activités d’artisans et de petits commerçants tailleurs d’habits. Quatre autres enfants naissent à Saint-Denis. Mais rien n’est facile. Une petite fille, Marie, meurt en 1903. Elle a 7 mois. Et en 1905, c’est Mardochée, le père de famille, qui décède.
Pauline reste seule avec ses 4 enfants âgés de 2 à 17 ans, Paul, Sarah, Henri et Salomon. Elle saura faire face. Henri fait de brillantes études.
Quand arrive la guerre de 14, Salomon Grinschpoun, l’aîné, a 24 ans. Il tourne le dos au Tsar de Russie, antisémite méthodique, et décide de défendre son pays d’accueil. Il s’engage, comme 4000 autres Russes, dans la Légion étrangère pour combattre au côté de la France et intègre un régiment de marche. Sa loyauté et son sang-froid lui permettent de devenir agent de liaison. Salomon participe ainsi à la prise de Belloy-en-Santerre en 1916 dans la Somme et aux violents combats du golfe d’Auberive en avril 1917. Il est remarqué et décoré. Salomon tombe, « mort pour la France », pendant l’attaque de Buzancy dans l’Aisne le 20 juillet 1918.
Salomon ne saura jamais que Pauline, sa mère, sera rattrapée sur le sol français par la haine antisémite. Elle sera arrêtée pour être déportée durant la Seconde guerre mondiale et elle mourra à Drancy, avant son départ pour Auschwitz, le 23 février 1943.
Salomon ne saura pas non plus qu’Henri, son jeune frère, né à Saint-Denis, naturalisé français pour aller combattre au côté de la France, officier de la guerre de 14, connaîtra lui aussi la déportation. Il mourra le 15 février 1944 dans le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, 12 jours après y être arrivé.
Seuls, Paul et Sarah s’en sortiront. Comment ont-ils fait ? Qui les a cachés et sauvés ?
Paul Grinschpoun est mort à Saint-Denis le 25 avril 1980. Quelqu’un, à Saint-Denis, se souvient sûrement de lui.
8 commentaires
Charlotte dit :
3 Fév 2015
Mardochée et Salomon sont enterrés au cimetière parisien de Pantin dans un carré confessionnel. Il s’agit de la division 8 du cimetière. Avec eux, il y a un petit Daniel, né en 1944 et mort en 1945.
Qui étaient les parents de cet enfant, petit garçon juif, né pendant ou juste après la fin de la seconde guerre mondiale ? Il s’agit sans doute du fils d’Henri ou bien encore celui de Paul.
GRINSCHPOUN dit :
16 Mar 2015
Daniel est le fils de Paul et de sa seconde épouse Ruhla.
Archives municipales dit :
17 Mar 2015
Bonjour,
Merci de cette information. Nous sommes très touchées d’avoir pu venir « à la rencontre », par l’intermédiaire de ce blog, d’un ou d’une descendante de la famille Grinschpoun. Nous aimerions reconstituer, le plus précisément possible, le vécu de cette famille. Peut-être accepteriez-vous de nous aider ? Nous aimerions, notamment, en savoir plus sur Pauline, et sur ses enfants bien sûr. Vous pouvez nous contacter directement à l’adresse suivante : service.archives@ville-saint-denis.fr
Bien à vous
L’équipe des Archives municipales
ER dit :
23 Oct 2023
Paul Grinschpoun était un homme très gentil. Daniel, et son frère Gilles, sont morts pendant la guerre, tout petits. Leur maman, Rachel (Ruhla), la deuxième femme de Paul, était immigrée et peut-être illégale, donc les rations n’allaient pas loin. Paul et Rachel sont enterrés au cimetierre des Joncherolles à Villetanneuse, ainsi que leur fille Viviane.
Archives municipales dit :
27 Oct 2023
Merci pour ces informations
fanny dit :
22 Fév 2015
Cette histoire en évoque une autre, l’histoire d’une famille juive décimée par deux guerres mondiales. Dans son livre « Paroles de poilus », recueil de lettres et carnets du front rassemblés suite à une collecte lancée sur les ondes de Radio France en 1997, Jean-Pierre Guéno publie une lettre de Lazare Silbermann, réfugié roumain, dont l’engagement rappelle celui des Grinschpoun. L’introduction de cette lettre par Jean-Pierre Guéno : « Lazare Silbermann était à la fois le patron et l’unique employé de sa petite entreprise Tailleur pour dames. Avant de partir sur le front comme engagé volontaire parce qu’il veut s’acquitter d’une dette essentielle auprès de son pays d’accueil, Lazare ressent le besoin d’écrire une lettre testament à son épouse Sally, qui comme lui est réfugiée roumaine, et à ses quatre enfants en bas âge… Lazare survivra à la guerre et mourra dans les années 1920 terriblement affaibli par les séquelles de ses combats. Sally sera déportée et exterminée vingt-deux ans plus tard. »
Frédérique Jacquet dit :
16 Avr 2015
Léon et Maurice BONNEFF sont morts sur le front pendant la guerre de 14. Ils ont beaucoup écrit, au début du 20e siècle, sur la misère du monde ouvrier de leur époque. Voilà le début d’un chapitre sur les travailleurs juifs de Paris :
Parmi les ouvriers de Paris, un peuple vit, famélique et laborieux, qui a conservé ses coutumes et son langage : c’est le prolétariat juif. Alors que les ouvriers se groupaient étroitement, sans distinction de nationalité, les travailleurs israélites, pour bien des causes, ne pouvaient s’assimiler au reste de la population. La plupart proscrits, tous exploités, les ouvriers juifs supportent le fardeau des haines religieuses, de l’assujettissement économique le plus étroit, de toutes les misères du vieux monde. Le Juif ouvrier manuel, le Juif éloigné de la boutique et du comptoir, est généralement peu connu. Cependant les IVe et XIe arrondissements de Paris, les quartiers de la Bastille et de l’Hôtel-de-Ville, donnent asile à une population juive de tailleurs, de casquettiers, d’ébénistes, de forgerons, de cordonniers, de sculpteurs, de mécaniciens, de ferblantiers, de serruriers, de chaudronniers, de confectionneurs en fourrures, parlant tous le même idiome : le jargon yiddish.
Léon et Maurice Bonneff décrivent ensuite le long périple de douleur et de souffrance du peuple juif de Russie persécuté dans des pogroms avant d’arriver en France.
Les textes de ces deux observateurs des quartiers populaires sont remarquables de précision et d’humanité.
On ne peut s’empêcher de penser aussi au centre de Saint-Denis qui a connu, à une moindre échelle, l’arrivée de ces réfugiés.
Mardochée et Pauline Grinschpoun, avec leurs enfants, en faisaient partie.
Véronique dit :
17 Mar 2017
Salomon avait un frère aîné, Emile, né à Doubno (Ukraine, ex Russie), le 15 mai 1886.
La mère de Salomon, Pauline, a donc eu six enfants avec Mardochée : deux nés en Russie (Emile et Salomon), et quatre nés à St Denis (Sarah, Henri, Marie et Paul).
Tout comme Sarah et Paul, Emile survivra à la seconde guerre mondiale.
Quant à Salomon, avant de partir à la guerre de 14, il avait épousé en 1913 Fanny, née à Saint Denis (il avait alors 23 ans, elle allait bientôt en avoir 19).
Véronique