En plus de la nourriture elle-même, la « popote », dans l’argot des poilus, c’est aussi le fait de cuisiner. Sur le front boueux de la Première Guerre mondiale, qui est chargé de le faire ? Comment ? Existe-t-il une cuisine militaire ?
Soldats et cuisiniers
Pas d’école de cuisiniers militaires en France, au contraire de ce qui se fait en Angleterre. N’importe quel combattant peut être chargé de préparer les repas, quelle que soit sa profession civile. Comme le sergent de mitrailleurs Frédéric Duval, archiviste et bibliothécaire à Saint-Denis avant la guerre, qui en mars 1916, obtient ainsi un temps le poste de « chef de popote » dans sa compagnie. Mais cela peut être aussi, bien sûr, des hommes du métier :
Notre cuisinier, un gaillard surnommé « la Bonbonne », […] est un homme trapu et bien taillé ; la barbe noire, coupée en pointe, allonge son visage épanoui. Des yeux noirs et vifs décèlent son intelligence. Son nez bien planté semble fait pour humer le parfum qui monte des cuisines. Sous son large front, à moitié caché par un bonnet de laine, mijotent des sauces rares et des recettes merveilleuses !… [1]
Comme « la Bonbonne », les bons cuisiniers deviennent souvent des figures de leurs compagnies. Ils font l’objet de nombreux portraits, de caricatures, chansons. On salue la mémoire de ceux qui tombent sous les bombes, comme Jules Maincave, cuistot du 90e d’infanterie tué dans la Somme, qui fait l’objet d’articles dans le journal Le Figaro en 1921. On les accuse aussi parfois d’être des embusqués. Mais installés à proximité des tranchées, ils travaillent dans des conditions particulièrement précaires et dangereuses.
Cuisine militaire ?
Leurs cuisines ? D’abord, des abris bricolés. Puis, à partir de 1915, des « roulantes ». Ces cuisines déplaçables disposent d’un four et de plusieurs feux, là où il fallait auparavant souvent se contenter de foyers improvisés. On continue donc à préparer à manger pour 100 hommes pratiquement sans ustensiles, en estimant les quantités au gobelet ou à la gamelle, mais on peut désormais cuire plusieurs récipients en même temps.
Et mitonner ainsi plus facilement des plats chauds à proximité des lignes. Offrir aux combattants leur plat préféré, le bifteck-frites. Concocter les nombreuses recettes proposées par le Livre de cuisine militaire publié par le ministère de la Guerre : potage de potiron à la paysanne, ragoût de mouton aux légumes, purée de céleri… ou celles créées par les soldats eux-mêmes comme le bifteck dit « d’attaque » de Jules Maincave. Mais une fois ces plats prêts, dans quelles conditions sont-ils consommés ?
[1] Frédéric Duval, Carnets de guerre d’un sergent de mitrailleurs, éditions Gabriel Beauchesne, 1919, p. 153.