Pendant la Première Guerre mondiale, Saint-Denis est une ville où sont fabriquées et entreposées de grandes quantités de munitions. Ouvriers et soldats manipulent quotidiennement des produits dangereux et instables. Le 4 mars 1916, quelques soldats déplacent ainsi des caisses de grenades dans la courtine Est du fort de la Double-Couronne (au lieu-dit Le Barrage), où s’entassent plus de cinquante mille engins explosifs. Que se passe-t-il précisément ce matin-là ? Un faux mouvement d’un zouave épuisé ? Une caisse posée en déséquilibre ? Une grenade accidentellement dégoupillée ? Aucune des personnes présentes n’a survécu assez longtemps à l’accident pour le raconter.
À 9 h 25, le dépôt de munitions explose. La déflagration, d’une incroyable violence, se fait ressentir à des centaines de mètres à la ronde, jusqu’à la mairie de Saint-Ouen dont les vitres sont brisées par le souffle de l’explosion. Des débris, des blocs de pierre qui pèsent parfois plus de 10 kg, des grenades sont projetés dans les rues voisines. Une voiture chargée de paille prend feu.
Les secours, avertis par le bruit, se précipitent sur les lieux. Ils découvrent une scène apocalyptique : bâtiments éventrés, tramways sortis de leurs rails, conducteurs d’attelage tués sur leur siège, chevaux couchés sur la route, morceaux de corps déchiquetés… Pas de temps pour la sidération, il faut être efficace. S’occuper des dizaines de blessés, du doigt coupé d’un employé de tramway comme des graves blessures aux jambes du soldat Émile Pinck, qui a eu la chance d’être relevé de sa garde au fort juste avant l’accident. Et pour pouvoir les conduire dans les hôpitaux de Saint-Denis, déblayer les routes, jonchées de débris. Le maire de la ville, Gaston Philippe, vient apporter son aide. Et un peu plus tard dans la journée, le général Joffre et le président Poincaré font le déplacement pour offrir leur soutien aux Dionysiens.
Une trentaine de corps, soldats mais aussi simples passants, sont tirés des décombres ou retrouvés à proximité. Le plus jeune n’avait que 12 ans. Le 8 mars 1916, les victimes ont droit à des obsèques nationales. La ville de Saint-Denis leur offre des concessions dans son cimetière. Gaston Philippe, le député de la Seine Albert Walter, mais aussi le sous-secrétaire d’État aux Munitions Albert Thomas prononcent un discours. Pourtant, l’État refuse de reconnaître sa responsabilité dans l’explosion, donc d’indemniser les victimes. Et la pétition des voisins du fort contre le maintien du dépôt de munitions dans la partie non explosée du fort demeure sans suite.
Voici quelques images tournées juste après le drame :
Vous pouvez également voir d’autres images de la catastrophe éditées sous forme de cartes postales.