Des musiciens mobilisés
« L’inscrit est-il musicien ? » « De quel instrument joue-t-il ? » Ce sont les deux premières questions que comporte la rubrique « renseignements divers » du formulaire de recensement militaire au début du vingtième siècle. En 1911, sur les 544 jeunes hommes recensés à Saint-Denis, 38 (environ 7%) jouent ainsi d’un instrument :
Instruments | Musiciens |
• • • • • • | • • • • • • |
Non précisé | 8 |
Clarinette | 3 |
Contrebasse | 1 |
Cuivres (bugle, petit bugle, piston, trombone, trompette) | 11 |
Flûte | 3 |
Hautbois | 1 |
Mandoline | 1 |
Piano | 1 |
Saxophone | 1 |
Tambour | 1 |
Violon | 7 |
Et parmi les instrumentistes recensés, pendant la Première Guerre mondiale, quelques soldats sont officiellement mobilisés comme « musiciens » : André Caron, jeune employé de commerce dionysien, devient par exemple 2e classe musicien au 2e régiment d’infanterie tandis que Julien Auguste De Geyter, fils du compositeur de l’Internationale, est engagé comme soldat musicien au 120e régiment d’infanterie. Comme ces deux clarinettistes morts pour la France respectivement en mars 1917 et août 1915, de nombreux compositeurs, paroliers, violonistes…. professionnels ou amateurs, sont ainsi envoyés au front entre 1914 et 1918. Des unités musicales existent même dans de nombreux régiments.
Pourquoi l’armée s’intéresse-t-elle aux talents musicaux de ses soldats ?
D’abord, l’armée utilise volontiers, et depuis des siècles, tambours, trompettes, timbales… pour régler le pas de ses troupes. Mais elle organise aussi de vrais concerts. Des concerts au front, pour exalter le moral des combattants comme le zouave Louis Botti, qui se souvient par exemple de ce moment d’évasion grappillé en décembre 1915 :
Je me suis offert le plaisir gratuit d’assister au concert du jeudi donné par le 4e [régiment de marche de] zouaves. […] Pour un peu on ne se croirait plus en guerre, mais tous les auditeurs du concert sont militaires, […] et le canon tonne tout près. [1].
Mais l’armée organise aussi des concerts en ville, où les unités musicales servent aux régiments de vitrines auprès de la société civile. À Saint-Denis, au début du vingtième siècle, les soldats casernés donnent ainsi régulièrement des représentations dans les squares et kiosques de la ville.
Nul besoin cependant d’être officiellement mobilisé comme musicien pour jouer de la musique et chanter dans l’armée : au front, troupes et officiers se détendent volontiers en récitant des chansons populaires. Lesquelles ? C’est ce que nous permet de découvrir le livret de chants réalisé par un soldat dionysien, Vincent Dussurget.
[1] Louis Botti, Avec les Zouaves, Gap, 1933, p. 189-190.