Blessé au doigt un jour de septembre 1914, le soldat d’origine dionysienne Ernest François Macken est évacué dans une ambulance à proximité. Les médecins le soupçonnent aussitôt de s’être volontairement mutilé pour quitter le front et être évacué dans un hôpital de l’arrière. Interrogé le quatre septembre, après avoir été conduit en prison, le jeune cultivateur n’a guère l’occasion de se défendre. Il décrit simplement les circonstances de sa blessure, mais ne peut citer aucun témoin :
Mercredi 2 septembre dans la soirée, à la tombée de la nuit, près d’un village que je ne connais pas, probablement Rougiville, j’étais dans la position du tireur à genoux, en train de charger mon fusil, quand une balle tirée par derrière m’a atteint le doigt à l’index droit. J’ai montré mon doigt au sergent, une heure après environ. Personne n’a été témoin de mon accident.
Le général de la 28e Division, dont Ernest, soldat au 53e Bataillon de Chasseurs alpins, fait partie, convoque le 7 septembre un conseil de guerre exceptionnel pour le juger, en même temps que cinq autres soldats.
Pourtant, le crime de « mutilation volontaire » en temps de guerre n’a pas été prévu par le Code de Justice militaire, qui ne prévoit qu’une peine d’un an de prison maximum pour les hommes qui se seraient volontairement blessés afin d’échapper au service militaire. Le Conseil de guerre l’assimile donc à un « abandon de poste en présence de l’ennemi ». Un crime passible de la peine de mort.
Déclaré coupable par le conseil de guerre, Ernest est exécuté le soir même, comme ses cinq coaccusés. Il avait vingt-quatre ans.