Pendant la Première Guerre mondiale, les aviateurs deviennent de véritables héros populaires. Les succès de certains d’entre eux sont largement médiatisés et instrumentalisés. Une revue consacrée à leurs exploits est même publiée à partir de 1916 : La Guerre aérienne illustrée. De nombreuses récompenses leur sont attribuées. 182 pilotes français reçoivent ainsi le titre d’as, qui distingue les aviateurs comptant plus de cinq victoires. Nombre de pilotes obtiennent aussi des décorations ou sont salués par des citations, comme le dionysien François Joseph Gilg, cité à l’ordre du Corps d’armée : « Officier observateur en avion, a trouvé la mort en service commandé pendant un exercice de liaison avec l’infanterie le 29 mai 1917. » Le sous-lieutenant dionysien André Quennehen devient quant à lui chevalier de la Légion d’honneur en 1915.
André Quennehen dispose d’un brevet de pilote depuis 1912. Militaire de profession, il a quitté cette année-là l’infanterie pour devenir aviateur. Il est mobilisé dans l’escadrille n°5 dès le début de la guerre. Mais à cette époque, où l’aviation était encore avant tout un sport réservé à l’élite, c’est une exception. Pour étoffer l’armée aérienne, on recherche donc toutes les bonnes volontés, qu’elles aient ou non des connaissances en aéronautique.
En 1917, René Philippe, fils du maire de Saint-Denis, quitte ainsi sur sa demande l’infanterie pour rejoindre l’aviation. Fasciné par les avions, il affirme : « Tant qu’à mourir, il vaut mieux le faire en faisant ce que j’aime. » Comme lui, les soldats volontaires doivent suivre une formation à l’aéronautique dans les écoles militaires ouvertes à cette occasion à Avord, Pau, Chartres… À partir de 1915, il faut même avoir recours aux écoles privées des sociétés Farman, Blériot et Caudron pour former plus de personnel, qu’il soit navigant ou au sol.
Le quotidien des aviateurs est pourtant beaucoup moins idyllique que ce qu’en montre la presse. Les escadrilles sont basées à l’arrière du front, où de grandes tentes sont montées pour les accueillir. Le confort est minimal, et le mauvais temps empêche régulièrement les avions de décoller. Les heures sont donc souvent longues entre deux missions. Chacun tente de s’occuper comme il peut, comme en témoigne Charles Delacommune dans son ouvrage L’Escadrille des éperviers, où il raconte une après-midi d’attente : « Étendu dans un transatlantique ou couché sur l’herbe sèche… chacun somnole ou lit. Cependant, assis autour d’une planche posée sur un tonneau, un quatuor de joueurs invétérés fait le bridge quotidien. » [1].
Par ailleurs, les missions sont longues et dangereuses : les incidents techniques ne sont pas rares, les parachutes ne sont guère utilisés avant la fin de la guerre. Les vols se déroulent souvent dans des conditions difficiles. En altitude, les températures sont fraîches. Le pilote dionysien André Quennehen décrit ainsi un bombardement à l’un de ses amis : « C’était en février. Je n’ai jamais tant souffert du froid. J’eus les pieds presque gelés. Je ne pus, après avoir atterri, descendre de mon avion. J’avais les jambes, les pieds surtout complètement paralysés, mais j’étais content d’avoir rempli ma mission. » Et en vol, la communication avec le sol est impossible jusqu’en 1916, où les appareils commencent à être équipés de la radiotéléphonie.
Se faire mobiliser dans l’aviation pendant la Première Guerre mondiale, c’est donc faire un choix courageux. Car si les journaux célèbrent les meilleurs pilotes un peu comme des champions, le combat militaire aérien est très différent d’une compétition sportive. Devenir pilote ne repousse donc pas le danger, bien au contraire : près de 5600 aviateurs français sont morts au cours du conflit, comme le dionysien Léandre Miot, tué lors d’un combat en juin 1917, moins d’un an après avoir quitté les Spahis (régiment de cavalerie d’Afrique) pour l’aviation. De nombreux autres pilotes gardent des séquelles physiques ou psychologiques de la guerre, comme René Philippe, qui a souffert de problèmes pulmonaires toute sa vie après une chute de son avion dans la mer.
[1] Charles Delacommune, L’Escadrille des éperviers, éditions Plon, 1918, p.1.
> Pour en savoir plus sur les avions de la Guerre de 14, visitez la galerie qui leur est consacrée sur le site des Archives municipales.