Louise Bouquerod est née le 28 octobre 1893 à Dramelay, dans le Jura. Elle grandit dans une petite ferme avec ses parents, Marie et Théophile Bouquerod, et deux frères, Henri et Constant. Toute jeune, Louise participe aux travaux des champs. La famille cultive du blé, du maïs, entretient un potager. Les hivers sont parfois rudes.
En 1914, Louise se fiance à un cousin de Saint-Denis, un métallo, un vrai gars de la ville. Il s’appelle Abel Tissot. La mobilisation les sépare, le mariage est repoussé. Ils se voient très peu durant toute la durée de la guerre mais ils s’écrivent tout le temps pour se soutenir, se rassurer, donner des nouvelles. Les courriers de Louise sont lus par toute sa famille, le soir, au coin du feu. Aussi, en plus de cette correspondance officielle, les deux amoureux échangent dès l’automne 1914 des lettres confidentielles, transmises grâce à des proches.
Mercredi 24 janvier 1917
Mon bien aimé Abel,
Que viens-je te dire ?… Que je suis courageuse, oui mais malgré cela je ne puis te dire que je ne souffre pas car mon cœur saigne encore trop de notre séparation et mes larmes coulent sans que je ne songe même à les retenir. Je te suis, je te vois, oh mon Abel ! Bonne santé et affectueux baisers de celle qui est et sera toujours ta petite Louison.
Louise est amoureuse, patiente et tenace. Elle surmonte les embûches de l’éloignement. Elle redouble d’efforts à la ferme.
Dramelay le 13 septembre 1916
Mon bien aimé Abel,
Il se fait tard, j’ai déjà bien travaillé aujourd’hui mais il me semble que ma journée ne serait pas bien remplie si je ne venais parler un moment avec toi… parler… si on peut appeler ainsi ces lignes que je te griffonne en hâte car je viens de charger du regain. Maintenant la voiture est partie et je suis encore au champ pour une demi-heure avant la nuit. Je me suis abritée, car après une journée de travail au soleil, il fait frais, et me voilà m’entretenant avec toi. Tu sais n’est-ce pas comme je serais heureuse de pouvoir t’écrire souvent, et dire que voici déjà 8 jours. Mais je sais aussi mon Abel que tu sais te contenter car il n’y a pas de négligence de ma part. Je suis calme et courageuse, tu le vois.
[…] Tu vas rire de ma demande, mon bien aimé… Eh bien j’ai déjà eu envie de te demander si ta 4ème permission allait être pour moi ? Je t’entends : tu vas dire que je deviens absurde et que la guerre va bientôt finir… A quand donc le bonheur de te revoir… Bientôt ?… Cela me tarde mais je conserve espoir sur ton heureux retour. Espoir que je partage avec toi, en invoquant Dieu et demandant pour toi vaillance et santé.
Je ne vois bientôt plus mon écriture.
Reçois les bons baisers de ta Louison.
Louise et Abel se marient enfin le 29 mai 1918, lors d’une permission d’Abel.
Quelques semaines plus tard, Constant, le petit frère de Louise, est fait prisonnier. La famille est éprouvée mais fait face. Puis, à peine un mois avant la signature de l’armistice, c’est Henri, le grand frère, qui meurt, terrassé par la grippe espagnole.
Jeudi 17 octobre 1918
Mon bien cher Abel,
[…] Oh comment allons-nous reprendre un peu de courage ?? Encore ce soir je ne sais comment je te fais ma lettre… Nous nous souviendrons longtemps du dixième mois de 1918. Nous ne pouvons encore pas croire à notre poignant chagrin : tellement brusque nous est parvenue la terrible nouvelle…
[…] Oh si seulement nous avions des nouvelles de Constant. Quelle grande douleur pour mes bien aimés parents.
[…] Bonne santé mon cher Abel. Papa, Maman ainsi que ta Louise bien en peine t’embrassent bien fort.
Louise et Abel apprennent ensemble, dans le Jura, la nouvelle de la signature de l’armistice, le 11 novembre 1918. Mais ils ne sont pas encore définitivement réunis : Abel est démobilisé seulement à l’été 1919.
Ce n’est qu’après la guerre qu’ils s’installent à La Plaine Saint-Denis, rue Langlier Renaud.
Un article est consacré à Louise Bouquerod dans le Place aux archives ! n° 8.