Le Bulletin des armées de la République est une source intéressante pour étudier l’état d’esprit des combattants. On y découvre les informations qui leur parvenaient. On y devine aussi leur degré d’adhésion à la propagande véhiculée par le Bulletin.
Ce journal officiel est créé en août 1914. Il paraît d’abord quotidiennement, puis deux fois par semaine à partir de septembre 1914, avant de devenir hebdomadaire en 1916.
Sa création le 15 août 1914 répond à un besoin clairement exprimé.
L’absence de nouvelles fait souffrir. Les poilus se jettent sur les exemplaires du Bulletin qu’ils trouvent.
Les premiers numéros sont délirants d’optimisme. Ils décrivent des ennemis jugeant la guerre absurde et cherchant à se constituer prisonniers. La propagande cherche à déshumaniser l’ennemi présenté comme méprisable, comme un rat.
Articles et dessins humoristiques insistent sur la « goujaterie allemande », la « fourberie allemande », la stupidité des soldats.
Les Français et leurs alliés, eux, sont des héros pleins de qualité : endurants, braves et généreux.
Un « tableau d’honneur » nous permet même de connaître les exploits de quelques soldats récompensés.
Découvrons par exemple deux d’entre eux :
• Le Capitaine Rousseau, du 84e territorial, est cité à l’ordre de l’armée. « Le 29 septembre 1914, [il] était chargé d’assurer avec sa compagnie la garde d’un pont, lorsque, pendant la nuit, apparut en vue du poste un détachement ; une voix ayant crié : « Ne tirez pas, amis, Anglais, » le capitaine Rousseau se porta en avant pour reconnaître ; aussitôt un officier saxon lui sauta à la gorge en lui disant : « Vous êtes prisonnier. » – « Un soldat français ne se rend jamais, » répondit fièrement le capitaine Rousseau, en tombant mortellement frappé. »
• Le Médecin principal Patris de Broe est nommé Officier de la Légion d’honneur. « [Il] a dirigé d’une façon parfaite le service de santé de sa division. [Il] a fait preuve de beaucoup de courage en allant lui-même, dans les secteurs battus par le feu, veiller à l’enlèvement des blessés. [Il] a eu deux chevaux blessés en faisant ce service. »
Mais peu à peu la publication du journal devient moins fréquente. Les soldats se lassent de la vision glorieuse et irréaliste de la guerre imposée par l’état-major et démentie par les faits. Certains poilus se mettent même à rédiger eux-mêmes leurs journaux de tranchées. Le Bulletin des armées de la République tente alors d’évoluer pour mieux répondre à leurs attentes, en proposant des jeux, des concours, des infos pratiques, des feuilletons ou des articles scientifiques.
À partir de 1916, on peut même y lire des extraits de journaux de tranchées.
Malgré ces efforts, le Bulletin des armées de la République devient de moins en moins lu. Il est finalement supprimé en décembre 1917.